Nous questionnerons dans cette conférence cette notion de consentement concernant les enfants et les jeunes adolescent.e.s, ses évolutions, son appropriation et ses traitements au regard du droit et de la sociologie tout en tâchant de comprendre pourquoi elle n’est pas mentionnée par le législateur.
En 2020, Vanessa Springora relatait dans son roman Le Consentement (Grasset, 2020) la relation d’emprise qu’avait exercé sur elle l’écrivain Gabriel Matzneff lorsqu’elle avait quatorze ans. Le titre même de l’ouvrage questionnait le degré de consentement qu’était en mesure d’accorder une jeune adolescente vis-à-vis d’un quinquagénaire de surcroît auréolé d’un certain prestige dans le milieu littéraire. Un an plus tard, Camille Kouchner révélait dans le roman La familia grande (Le Seuil, 2021), les abus sexuels commis par son beau-père, l’éminent juriste Olivier Duhamel, à l’encontre de son jeune frère.
La parution de ces deux romans en pleine vague #meeto entraina de nombreuses révélations d’agressions et de viols commis sur des mineur.e.s, parfois très jeunes, par des adultes en situation d’autorité, tant dans la sphère privée que publique. Une des dimensions de ce scandale tint notamment au fait que beaucoup de ces affaires n’étaient pas des révélations : elles étaient connues et tolérées depuis longtemps. De nombreux artistes, écrivains et cinéastes, ne faisaient pas mystère de leurs relations avec de très jeunes adolescent.e.s, certains en faisaient même l’objet de leur création artistique, contribuant à banaliser le désir pédophile au sein de la culture aussi bien élitiste que populaire. À titre d’exemple, Matzneff vantait dans ses romans ses relations avec des filles de moins de seize ans ainsi que ses ébats avec des enfants lors de séjours de tourisme sexuel en Asie.
L’ampleur de ces révélations questionnait la tolérance d’une société envers ce type de sexualité. C’est à cette problématique que s’est attaché le sociologue Pierre Verdrager dans un ouvrage précurseur paru en 2013, L’enfant interdit. Comment la pédophilie est devenue scandaleuse (Armand Colin, 2013). On y apprenait que les relations sexuelles avec de jeunes mineur.e.s avaient pu être justifiées, voire encouragées dans les années 1970 et 1980 aussi bien au nom de la liberté sexuelle que de la filiation avec une certaine tradition grecque antique. Avec Le grand renversement (Armand Colin, 2021), Verdrager interrogea ensuite les raisons de la disparition de cette tolérance en s’attardant notamment sur le cas Matzneff.
Ces évolutions sociétales ont entraîné des réponses juridiques avec la loi du 21 avril 2021 visant à une meilleure protection des mineurs victimes d’agressions sexuelles ou de viols. Mais comme le rappelle le juriste François Fourment, alors que les controverses publiques faisaient du consentement l’élément central du débat, la loi en question ne mentionne nulle part le terme de consentement. Le législateur a considéré qu’était pénalisable tout acte sexuel sur mineur en dessous de quinze ans, l’écart d’âge étant pris en considération lorsque l’auteur était âgé de plus de cinq ans que le mineur (Loi n° 2021-478 du 21 avril visant à protéger les mineurs des crimes et délits sexuels et de l’inceste).
Nous questionnerons dans cette conférence cette notion de consentement concernant les enfants et les jeunes adolescent.e.s, ses évolutions, son appropriation et ses traitements au regard du droit et de la sociologie tout en tâchant de comprendre pourquoi elle n’est pas mentionnée par le législateur.